Les socles de l’approche narrative : bases théoriques et démarche.
L'approche narrative, fondée par Michael White et David Epston, est une méthode de relation d'aide basée sur le récit et l'identité. Elle considère les individus comme experts de leur propre vie et vise à les aider à transformer les "histoires de problème" en "histoires alternatives" plus positives. En explorant les exceptions et les "traces fines de résistance", elle permet aux personnes de se reconnecter à leurs valeurs et de développer une identité narrative enrichie.
9/21/20247 min read
L'approche narrative a été élaboré par ses fondateurs Michael white thérapeute australien et David Epston thérapeute néo-zélandais comme un échafaudage de différents modèles. Il y a ainsi le constructionnisme social avec Kenneth Gergen pour qui la réalité s'apparente à une construction sociale, les philosophes Paul Ricoeur (pour qui l'identité est une narration) et Michel Foucault. Il y a également Jérôme Bruner dont l’influence est plus importante et qui lie nos vies à des récits.
Dans son livre <<Pourquoi nous racontons- nous des histoires ?>>, il explique que nous avons recours au récit pour raconter ce qui arrive dans la vie et même pour raconter notre propre existence. Le recours au récit est de plus lié à nos projets : si nous rencontrons des obstacles, des péripéties sur le chemin qui nous mène à l'atteinte de nos objectifs, à notre planification ; nous avons besoin du récit pour ne pas abandonner nos projets, pour leur donner une forme et une ossature.
Bruner précise également que notre moi intérieur, notre égo a besoin de récits autobiographiques autrement dit les récits qu'on se raconte sur nous-mêmes nous permettent de prendre soin de notre personnalité.
Il pose la problématique du récit de nos vies dans les termes suivants :
<<Pourquoi, pour nous décrire, avons-nous tout naturellement recours à des histoires, si naturellement même que la personnalité semble n'être qu'un produit des histoires que nous avons construites ?>>.
Il pose ainsi les conditions d'une bonne histoire en 12 points :
Une histoire a besoin d'une intrigue.
Les intrigues ont besoin d'obstacles qui s'opposent à la réalisation des buts.
Les obstacles obligent les individus à revoir leurs positions.
Ne racontez du passé que ce qui a un rapport avec l'histoire.
Donnez à vos personnages des alliés et des relations.
Laissez vos personnages grandir.
Mais préservez leur identité.
Et faites aussi en sorte que leur continuité soit évidente.
Situez vos personnages dans un univers familier.
Laissez vos personnages s'expliquer eux-mêmes si besoin est.
Laissez vos personnages souffrir d'humeur.
Méfiez-vous lorsque vos personnages n'ont pas de sens et faites en sorte qu'ils s'en méfient eux aussi.
Pour résumer, Jérôme Bruner explique le récit dans nos vies par un besoin de perspective. On s'approche ici des besoins des clients dans le coaching.
L'approche narrative se définit par une approche de la relation d'aide et du travail avec les communautés et les personnes, basée sur le respect et le non-jugement et promouvant l'idée que les gens sont experts de leur propre vie.
On considère également que pour les coachés, leur problématique ressemble à une randonnée avec des chemins, des pistes, ils sont confrontés à des choix.
On s'intéresse ainsi aux :
Sentiments et aux émotions (jalousie, joie, frustration, peur, culpabilité, envie, concurrence, inquiétude, honte...)
Problèmes interpersonnels : conflits, disputes, critiques, reproches, méfiance, manque de confiance ou d'estime de soi.
Aux pratiques socioculturelles : discrimination, injonctions, les parents qu'on désigne comme mauvais parents ou mauvaise mère.
Aux métaphores, les praticiens narratifs peuvent utiliser par exemple des expressions comme <<Mur de ressentiment>>, <<Tsunami de désespoir>>.
L'éthique de cette approche, c'est que la personne est affectée par un problème et non une personne à problème.
Pour le coach narratif, il s'agit d'élargir le contexte pour enrichir l'histoire de son client et colorer son récit). Pour David Epston, <<on ne résout pas le problème, on le dissout avec plusieurs histoires>>.
On peut ainsi définir une histoire comme un fil qui tisse les événements entre eux pour former un récit.
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Nous donnons du sens aux événements par des récits mais les praticiens narratifs distinguent :
Les histoires dominantes et les histoires alternatives.
Les thèmes dominants et les thèmes alternatifs.
Les histoires dominantes sont des histoires de problème qui entravent la vie du client, qui l'entraînent dans un ou plusieurs blocages. Par exemple, un individu perçu par son entourage comme timide, à qui on renvoie en permanence cette image peut finir par se conformer à cette identité.
L'histoire alternative, au contraire, correspond à une histoire spécifique au coaché, une histoire qui l'honore, le rend digne et parle de ses talents, de ses valeurs et au terme du process des options qui s'ouvrent à lui sans éluder le problème qui, lui, a comme je l'ai évoqué précédemment, a sa propre histoire.
Pourquoi une telle démarche ?
Car généralement, les praticiens narratifs ont affaire à des "histoires de problème", à des descriptions pauvres, minces des récits par les clients.
White explique que dans le cadre de son travail de thérapie familiale, il était habituel que les familles venues en thérapie fassent de leur vie familiale une description saturée par le problème. Son objectif était alors d’aboutir à des histoires alternatives qui ne soutiennent ni n’alimentent les problèmes des personnes. Quand elles commencent à habiter ces histoires alternatives, les résultats dépassent la résolution des problèmes. Dans les nouvelles histoires, elles expérimentent de nouvelles images d'elles-mêmes et ouvrent de nouvelles possibilités relationnelles et de nouvelles perspectives.>> (Narrative Therapy: The social construction of preferred realities).
Les pratiques narratives sont liées à la notion d’identité : une identité sociale, librement choisie, une identité qui épaissit et enrichit notre vision de nous-mêmes, notre estime personnelle. (Pour le coaching classique, l'identité c'est notre identité interne, externe, liée à notre statut social et à la reconnaissance de nos pairs ainsi que nos frontières, nos limites)
Dans l’optique narrative, l'identité n'est pas figée
L'identité correspond à tout ce qui est important pour nous, tout ce qui vaut pour nous et ce que nous voulons être.
L’identité narrative (contrairement à l'approche classique basée sur la personnalité) est une identité multi-facette.
Dans ce courant de la thérapie et du coaching, on parle ainsi du paysage de l’identité qu’on peut ainsi cartographier. On évoque également le paysage de l'action. Au départ, le praticien narratif s'intéresse à la vie du problème comme on s'intéresserait à la vie d'un personnage dans un récit.
Il s'agit de passer de Je suis le problème à Je suis affecté par le problème.
Pour que cela fonctionne, il convient d'élaborer entre le coach et le coaché une histoire alternative, une histoire de remplacement avec un récit intégrant des exceptions qui valorisent la personne accompagnée. L’autre outil consiste à cartographier et à retracer les archives du problème autrement dit d’être à l'écoute des moments ou le problème n'est pas aussi influent.
Il s'agit de s'intéresser à tout événement, tout objet du passé. Le but consiste à retracer le degré d'influence du problème dans la vie de la personne sur une longue période. Cela part souvent d'une remarque, d'un souvenir ou d'une anecdote évoquée. On peut soit se référer au problème en parlant simplement du <<problème>> ou alors utiliser une expression, le nom ou la métaphore validée avec le client. Se dessine alors un contexte avec un trait dominant, un entourage, des croyances profondes. Le problème, resitué dans son contexte peut alors être relativisé.
White parle de se focaliser sur ce qu'il nomme "des traces fines de résistance" qui s'apparentent à la résilience (capacité à se remettre de traumatismes), considérée comme une première étape pour l'amélioration du bien-être ou de la guérison en cas de problèmes psychologiques. La notion de Fines traces est une métaphore. Dans le récit de la personne qui le consulte, le praticien narratif (psychothérapeute, coach, ,..) prête une attention aux éléments susceptibles de renseigner chacun sur les histoires préférées, les talents, les rêves, les espoirs, les principes ou les valeurs. Ces éléments trouvant peu d’occasions d’être exprimés par le langage, sont moins visibles. Ils le sont cependant présent dans le récit de chacun qu'on peut déceler par le récit d'anecdotes, de centres d'intérêt, d'un livre ou d'un film qui nous a marqué, de repas de famille, de vacances dépaysantes. A ce moment-là, le coach utilise sa curiosité avec sa méthode mais avec des questions inspirées directement de ces récits de vie. Il doit contrairement aux outils précédents ne poser des questions qu'il ne connait pas à l'avance permettant ainsi lors de la séance de coaching de construire un récit, de l'étoffer et généralement le coaché va faire émerger un récit avec des images, un contexte écrit, des souvenirs qui lui tiennent à cœur. Autre concept, l'absent mais implicite. Il s'agit de faire émerger une belle valeur que la personne défend. Derrière une plainte par exemple, on voit le récit d'une valeur non honorée. Ainsi, il existe une valeur cachée qui ‘n’est pas mise en valeur car étouffée par la saturation d'une problématique dans la vie d'une personne. Une personne peut avoir un comportement colérique dans certaines situations du fait d'un sentiment d'injustice. On va alors prendre le contre-pied en aidant le client à se connecter une valeur de justice (dont il n'a pas forcément conscience). Si j'ai une personne qui se sent coupable de ne pas avoir suffisamment fait son travail dans un contexte précis exemple j'ai rendu un dossier auprès de mon supérieur hiérarchique avec deux heures de retard par rapport à ce que je produis habituellement, on va s'attacher à valoriser la notion de conscience professionnelle pas celle de perfectionnisme.
Autre concept dans la boîte à outils des praticiens narratifs : les conversations de re-menbering. Le fil directeur c'est que la vie d'une personne ressemble à un club privé, à une association dont les membres sont les personnes de son quotidien. Avec ces conversations, les personnes retrouvent des souvenirs et des histoires de lien. On peut se situer dans le présent comme dans le passé, il y a une ligne de temps ou passé et présent s'entrecroisent.
L'expression signifie à la fois le souvenir et le fait d'être relié à un entourage, ce que Michael White appelle le" club de vie".
Le but consiste à identifier des personnes réelles qui sont au courant de la dynamique de changement ou de progrès de la vie de la personne pour renforcer le sentiment d'interdépendance et diminuer le sentiment d'isolement si c'est le cas du coaché ou imaginaires (une personnalité publique qui nous inspire, un héros ou un super-héros d'une fiction). Autre objectif : privilégier les membres du club de vie qui encouragent les espoirs et les attentes.
Nous arrivons au terme de cette approche aux confins du coaching et de la thérapie familiale qui a marqué le champ de la relation d'aide comme l'analyse transactionnelle et la PNL.